Ils sont une poignée, épars sur mainte route
Ceux qui n’ont pas voulu subsister en rampant ;
Et pourtant, tels qu’ils sont, le monde les redoute :
Il s’en détourne, à moins qu’il les mette à son ban.

Au banquet de la vie ils pouvaient prendre place,
Se tailler grasse part : certes, ils avaient en don
Plus que d’autres — et mieux — et la science et l’audace ;
Mais, faute de souplesse, ils ont répondu : « non »

Lorsque pour parvenir, il aurait fallu feindre…
Du festin dédaignant et convives et mets,
Fiers, ils s’en sont allés, le front haut sans le craindre,
À l’encontre du sort cruel qui les guettait.

N’importe qu’en leur chair les maux gravent leur trace,
Il suffit que leur vie accomplisse son cours,
Sans qu’ils aient — sourds à l’offre autant qu’à la menace —
Jamais brûlé d’encens devant les dieux du jour.

{Maison centrale de Nimes, 6 juin 1920.'