Peuple mort, peuple muet,
peuple muré, peuple affamé,,
avec un gros poids de pierre sur la tête,
et sur le cœur ;,
Peuple des rues, peuple des champs,,
et des files des boutiques,,
qui piétine le ventre vide, dans le maigre froid ;,
Peuple du métro de tous les jours,,
avec ses chaussures de bois,,
et son livre qu'il lit, comme on s'évade,
par une fenêtre ouverte, un jour de printemps.,
Peuple français, peuple roumain,,
peuple bulgare, peuple grec,,
peuple serbe, et toi, peuple allemand,,
quand le temps sera-t-il venu ?,
La liberté n'a-t-elle plus de nom,
elle qui chaque matin était plus belle,,
comme une femme qu'on aime,
est plus jeune chaque matin.,
La liberté qui faisait crouler les châteaux,
et qui faisait lever les faux,,
et battre les fausses justices,,
la liberté n'a-t-elle plus de nom pour toi, ce matin ?,
Peuple sous le tas de pierre du silence,
Peuple aux lèvres serrées, peuple aux membres brisés,
au corps pantelant
sous les bottes qui s'éloignent sur le trottoir,
le miracle ne viendra que de vous
et personne d'autre que vous ne dira
comme à Lazare en son tombeau : «
Lève-toi et marche…
mercredi 18 janvier 2023
Édith Thomas - Lève toi et marche
Par Michel CATELIN le mercredi 18 janvier 2023, 16:41
mardi 17 janvier 2023
Edouard Chavannes - Le don de la pauvre femme
Par Michel CATELIN le mardi 17 janvier 2023, 13:31
Extrait de "Fables chinoises du IIIe au VIII e siècle", il s'agit de fables, versifié
Quand un être pauvre abandonne
Ce qui pourrait calmer sa faim,
Quand l’indispensable il le donne,
Il le fait simplement afin
D’avoir cette âme sainte et bonne
Qu’admira
Le Bouddha.
Voici l’anecdote
Dont nous dote
En effet,
L’Honoré du Monde
Et qu’il fonde
Sur ce fait
Qu’il note :
Autrefois un roi convoqua
Les multitudes les plus grandes
Dans le but d’avoir des offrandes
Pour les disciples du Bouddha.
Une pauvre vieille en haillons
Qui vivait d’infimes aumônes
— Voyant entrer par bataillons
Brahmanes et laïcs aux prônes
Du vénérable Saint —
Forma, joyeuse, le dessein
De lui porter son humble obole
Et, comme eux, d’ouïr sa parole.
Lorsqu’on vient au palais des rois
Pour échanger un sac de pois
Contre une parabole,
Les gardes vous font un accueil
Qui vous en interdit le seuil.
Or le Bouddha, sentant la flamme
Qui brûlait au fond de cette âme,
Fait tomber les pois dans les plats
Au milieu du repas.
Le roi se met fort en colère
Contre son cuisinier maudit :
Évidemment il considère
Qu’il ne fait pas ce qu’on lui dit.
Mais le Bouddha lui répond : « Sire,
v
« Pardon,
« Une pauvre femme désire
« Nous faire un don
« Qui vaut mieux — je dois vous le dire —
« Que les riches présents des rois
« Sans craindre de jeûner parfois,
« Elle a, pour nous, cueilli ces pois.
« Son bonheur, plus grand que tout autre,
« Surpassera beaucoup le vôtre !
« Payés sur les fonds du trésor,
« Vos beaux festins, dans des plats d’or,
« C’est votre peuple qui les offre,
« Lui seul a rempli votre coffre,
« Et de dons superflus encor !
« Tandis que la vieille a vraiment
« Sacrifié, d’un cœur aimant,
« Son nécessaire,
« Pour bien faire ».
Il faut juger l’intention,
Non l’action.
lundi 16 janvier 2023
Walt Withman - Ô Capitaine! Mon Capitaine!
Par Michel CATELIN le lundi 16 janvier 2023, 20:56 - Walt Whitman
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! fini notre effrayant voyage,
Le bateau a tous écueils franchis, le prix que nous quêtions est gagné,
Proche est le port, j'entends les cloches, tout le monde qui exulte,
En suivant des yeux la ferme carène, l'audacieux et farouche navire ;
Mais ô cœur ! cœur ! cœur !
Oh ! les gouttes rouges qui lentement tombent
Sur le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.
Ô Capitaine ! mon Capitaine ! lève-toi et entends les cloches !
Lève-toi – c'est pour toi le drapeau hissé – pour toi le clairon vibrant,
Pour toi bouquets et couronnes enrubannés – pour toi les rives noires de monde,
Toi qu'appelle leur masse mouvante aux faces ardentes tournées vers toi ;
Tiens, Capitaine ! père chéri !
Je passe mon bras sous ta tête !
C'est quelque rêve que sur le pont,
Tu es étendu mort et glacé.
Mon Capitaine ne répond pas, pâles et immobiles sont ses lèvres,
Mon père ne sent pas mon bras, il n'a ni pulsation ni vouloir,
Le bateau sain et sauf est à l'ancre, sa traversée conclue et finie,
De l'effrayant voyage le bateau rentre vainqueur, but gagné ;
Ô rives, Exultez, et sonnez, ô cloches !
Mais moi d'un pas accablé,
Je foule le pont où gît mon Capitaine,
Étendu mort et glacé.
dimanche 15 janvier 2023
Jean de la Fontaine - L’âne et ses Maitres
Par Michel CATELIN le dimanche 15 janvier 2023, 20:20 - Jean de La Fontaine
L’âne d’un jardinier se plaignait au Destin
De ce qu’on le faisait lever devant l’aurore.
Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin,
Je suis plus matineux encore.
Et pourquoi ? pour porter des herbes au marché.
Belle nécessité d’interrompre mon somme !
Le Sort de sa plainte touché,
Lui donne un autre maître ; et l’animal de somme
Passe du jardinier aux mains d’un corroyeur.
La pesanteur des peaux et leur mauvaise odeur
Eurent bientôt choqué l’impertinente bête.
J’ai regret, disait-il, à mon premier seigneur :
Encor, quand il tournait la tête,
J’attrapais, s’il m’en souvient bien,
Quelque morceau de chou qui ne me coûtait rien :
Mais ici point d’aubaine, ou si j’en ai quelqu’une :
C’est de coups. Il obtint changement de fortune ;
Et sur l’état d’un charbonnier
Il fut couché tout le dernier.
Autre plainte. Quoi donc ! dit le Sort en colère,
Ce baudet-ci m’occupe autant
Que cent monarques pourraient faire !
Croit-il être le seul qui ne soit pas content ?
N’ai-je en l’esprit que son affaire ?
Le Sort avait raison. Tous gens sont ainsi faits :
Notre condition jamais ne nous contente ;
La pire est toujours la présente.
Nous fatiguons le ciel à force de placets.
Qu’à chacun Jupiter accorde sa requête,
Nous lui romprons encor la tête.
jeudi 24 novembre 2022
Aimé Césaire - Abime
Par Michel CATELIN le jeudi 24 novembre 2022, 10:12 - Aimé Cesaire
il pensa à la logique des dents du marécage
il pensa au plomb fondu dans la gorge de la Chimère
il pensa à une morgue de becs dans le mouroir des coraux
il pensa à la prorogation sans limites à travers
les plages du temps
de la querelle séculaire
(le temps d'une éclipse d'âme il y eut en travers
de moi-même la passion d'un piton)
il pensa à un trottinement de souris dans le palais
d'une âme royale
il pensa à la voix de chiourme étranglée d'une chanson
puis par la halte sans âme d'un troupeau
à un isolât de limaces de mer coiffées de leur casque à
venin
ainsi
toute nostalgie
à l'abîme
roule
samedi 17 septembre 2022
Morice Benin - tait toi
Par Michel CATELIN le samedi 17 septembre 2022, 08:09
lundi 7 mars 2022
Henri Michaux - chant de Mort
Par Michel CATELIN le lundi 7 mars 2022, 19:37
La fortune aux larges ailes, la fortune par erreur m'ayant emporté avec les autres vers son pays joyeux, tout à coup, mais tout à coup, comme je respirais heureux enfin,
d'infinis petits pétards dans l'atmosphère me dynamitèrent et puis des couteaux jaillissant de partout me lardèrent de coups, si bien que je retombai sur le sol dur de ma
patrie, à tout jamais la mienne maintenant.
La fortune aux ailes de paille, la fortune m'ayant élevé pour un instant au-dessus des angoisses et des gémissements, un groupe formé de mille, caché à la faveur
de ma distraction dans la poussière d'une haute montagne, un groupe fait à la lutte à mort depuis toujours, tout à coup nous étant tombé dessus comme un bolide, je
retombai sur le sol dur de mon passé, passé à tout jamais présent maintenant.
La fortune encore une fois, la fortune aux draps frais m'ayant recueilli avec douceur, comme je souriais à tous autour de moi, distribuant tout ce que je possédais, tout à coup,
pris par on ne sait quoi venu par en dessous et par-derrière, tout à coup, comme une poulie qui se décroche, je basculai, ce fut un saut immense, et je retombai sur le sol dur de
mon destin, destin à tout jamais le mien maintenant.
La fortune encore une fois, la fortune à la langue d'huile, ayant lavé mes blessures, la fortune comme un cheveu qu'on prend et qu'on tresserait avec les siens, m'ayant pris et
m'ayant uni indissolublement à elle, tout à coup comme déjà je trempais dans la joie, tout à coup la
Mort vint et dit : «
Il est temps.
Viens. »
La
Mort, à tout jamais la
Mort maintenant.
dimanche 6 mars 2022
Une vie une Oeuvre - Marguerite de Navarre
Par Michel CATELIN le dimanche 6 mars 2022, 20:26
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