Écoute le chant de la vie :

Il sourd des profondeurs vagissantes du sol.
Entends, (la graine éclate et le germe dévie,
Tournant la roche, ouvrant l'humus complice et mol),
Quand tu mets sur la mousse une oreille ravie,
Commencer l'arbre où fleurira le rossignol.

Écoute le chant de la vie !

Sur la plage, il. s'arpège en flux, tombe au jusant...
Dans le bourg et la ville, où sa force asservie,
Selon le mode humain, ira s'harmonisant,
Il est vol d'angélus, trompe de bergerie,
Sirène aiguë au ciel matutinal fusant.

Écoute le chant de la vie.

A l'heure méridienne où tu croirais qu'il meurt
Sur le Thabor du jour dont la pointe est gravie,
Recueille son éparse, ondoyante rumeur,
Ce pollen musical flottant sur l'accalmie
Où va le diviser la droite du Semeur...

Écoute le chant de la vie.

S'il passe ta mesure, ô chétif héritier
D'un ample archet, obtiens la note poursuivie.
Eclat d'un jeu, choc d'un berceau, bruit d'un métier,
Clameur du long train fol que l'horizon défie :
Ces sons perdus retrouveront l'accord entier.

Écoute le chant de la vie.

Ne crois pas au silence, et cherche, par delà,
Tout fil sonore où le thème se ramifie.
Sur la tempe ou le cœur que ta lèvre appela
, Baise la veine bleue et d'un sang pourpre, emplie.
Ta musique exigeait une pause : elle est là.

Écoute le chant de la vie.

Ne crois pas au sommeil, c'est dans son abandon
Que l'amour se démasque et la chair fructifie.
Ne crois pas à la nuit, que hantent le bourdon
Du pèlerin, la besace du sans-patrie,
Les yeux du loup, la faim, la lutte ou le pardon...

Écoute le chant de la vie.

L'heure d'après minuit voudrait te décevoir...
De l'aubade des coqs la terre est sans envie.
Te diras-tu vivante, ô toi, seule en ce noir
Où ni ton Dieu, ni ton amour ne te convie?
Entends ton propre cœur, berce ton désespoir :

Écoute le chant de la vie !