Ce n’est pas pour moi que j’écris
Avec du sang, avec des larmes.
Ces vers tout vibrants de longs cris
Où ma peine trouve des chaînes.

C'est pour tous ceux qui connaîtront
L’âpre goût de la solitude
Et qui, désespérés, suivront
Depuis l’aube un chemin trop rude.

C’est pour mes frères de douleur,
Pour ceux qui pleurent en silence
Mais dont la main porte la fleur
De la royale indifférence ;

Pour tous ceux qui font de la mort
La suprême libératrice,
Regardant en face le sort,
Qui n’a plus pour eux un supplice.

C’est pour ceux qui fuient le plaisir
Qu’on obtient et que l'on oublie.
Mais dont l’être saurait souffrir
Pour amour jusqu’à la folie.

Ceux-là seuls connaissent le prix
Du flamboiement d'espoir superbe
Qui s'élance d'un cœur épris,
Comme une lumineuse gerbe.

Et qu'importe si, dans les pleurs,
S'éteint l’adorable lumière.
Puisque ses divines splendeurs
Illuminent la vie entière.