Nos parens ont de louable coustume,
Pour nous oster l’usage de raison,
De nous tenir closes dans la maison,
Et nous donner le fuseau pour la plume.
Traçant nos pas selon la destinée,
On nous promet liberté et plaisir ;
On nous promet ; et c’est le déplaisir
Qui nous remet sous les lois d’hymenée.
Il faut soudain que nous changions l’office
Qui nous pouvoit quelque peu façonner.
Ou les maris ne nous feront sonner
Que l’obéir, le soin et l’avarice.
Quelqu’un d’entr’eux ayant fermé la porte
À la vertu, nourrice du sçavoir,
En nous voyant craint de la recepvoir,
Dès qu’il lui voit habits de nostre sorte.
Mon Dieu ! mon Dieu ! combien de tolérance
Que je ne veux ici ramentevoir ; [1]!
il me suffist aux hommes faire voir
Combien leurs loix nous font de violence !
Les plus beaux jours de nos vertes années
Semblent les fleurs d’un printemps gracieux,
Pressé d’orage et de vent pluvieux,
Par qui soudain leurs couleurs sont fanées.
Au temps heureux de ma saison passée,
J’avois bien l’aile unie à mon costé ;
Mais en perdant ma jeune liberté,
Avant le vol ma plume fust cassée.
Je voudrois bien aux Muses faire hommage.
Et par escrits mes peines souspirer ;
Mais quelque soin m’en vient tousjours tirer,
Disant qu’il faut ne songer qu’au ménage.
L’Agrigentin du sang de Stésychore
A dignement honoré le sçavoir ;
Oui envers nous feroit mesme devoir,
Pareil miracle il reverroit encore.
Dames, faisons ainsi que l’immortelle,
Dont en hiver la fleur ne dépérit ;
Quand la nature enfante un bon esprit,
L’étude encor l’enrichit de plus belle.