J’ai mis trop loin, trop haut, le rêve de ma vie,
Vision d’avenir aimée, et poursuivie
A travers de longs jours de deuil.
J’étais parti, joyeux, sans regarder derrière :
Hélas ! je me fiais à ma force guerrière,
Et je n’avais que de l’orgueil.
J’ai compté bien longtemps les bornes de la route,
Et disais : « En marchant de la sorte, sans doute,
J’arriverai là-bas, ce soir. »
Et les pas succédaient aux pas, les vais aux côtes ;
Mes rêves étaient loin, et mes étoiles hautes ;
Et le ciel bleu devenait noir.
Un trompe-l’œil moqueur raccourcit la distance,
L’objet grandit, le but a pris l’exorbitance
D’une ombre qui viendrait à vous ;
Le clocher se découpe en vigueur sur la lune :
Encore un pas, encor ce bois et cette dune !
Marche plutôt sur tes genoux !
Il semble que ce soit le dernier kilomètre.
Et, sentant son désir et ses forces renaître.
Le passant ne s’arrête point ;
Et, quand il a marché pendant bien d’autres lieues,
Dans le prolongement des perspectives bleues,
Le but est encore plus loin.
Désirer ! devenir ! c’est la loi de nature !
Marche encore et toujours ! marche ! si, d’aventure,
Tu touchais ton but de la main,
Laissant derrière toi l’oasis et la source,
Vers un autre horizon tu reprendrais ta course :
Tu dois mourir sur un chemin.