LE CHEVALIER AU CYGNE


Vous l’attendrez, vous l’attendrez, le Chevalier au cygne,
Celui que rêva votre adolescence en cheveux blonds,
Patientes ou tourmentées, vous l'attendrez.
Et sans l’avoir trouvé jamais, vous vieillirez !

Maintes fois vous aurez cru voir apparaître
Son front clair à quelque détour de voe années,
Et vous aurez couru, les mains ouvertes.
Et soulevées,
Car votre rêve opiniâtre est tout-puissant.
Sur vos lèvres haletantes,
Dans sa soif éternelle, l’âme tremble en suspens...

Vous l’attendez, vous l’attendez, le Chevalier au cygne,
Par le soleil et la joie vive des printemps,
Par les étés qui font vos désirs plus ardents,
Par la neige advenue un soir à vos fronts blancs,
Toujours, toujours...
Mais il n’est point.

— Si pourtant quelque jour, mes sœurs, si quelque jour,
Beau comme le malin, divin comme l’amour,
Vêtu de tout ce qu’en nous-mêmes
Les hommes n’ont jamais connu,
Rapide, invraisemblable, irradiant,
Il se dressait comme un miraculeux soleil,
Pleurez, mes sœurs, pleurez ! nouez en hâte
Le crêpe de la nuit sur votre cœur percé !...

L’insaisissable, le Chevalier au cygne,
Celui que toutes les femmes de la terre,
En silence et nostalgiquement, ont adoré,
Ne s’est jamais incarné pour une heure
Que dans les yeux de Ceux qui vont mourir.