Poétik - Jacques Vaché2024-03-28T08:36:57+00:00Michel CATELINurn:md5:76fa9b24856a1550908dcd8396385216DotclearJaques Vaché - Lettre a A.Burn:md5:6129a156322f69066894bd0226f5c2722020-05-26T14:08:00+01:002020-05-26T13:11:42+01:00Michel CATELINJacques Vaché <p><img alt="" src="http://www.poetik.fr/public/.AVT_Jacques-Vache_736_m.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />Cher ami,</p>
<p>J'ai disparu de la circulation nantaise brusquement et m'en excuse — Mais M. le Ministre de la Guerre (comme ils disent) a trouvé indispensable ma présence au front dans un délai très bref... et j'ai dû m'exécuter.</p>
<p>Je suis attaché en qualité d'Interprète aux troupes britanniques — Situation assez acceptable en ce temps de guerre, étant traité comme officier — cheval, bagages variés et ordonnance — Je commence à sentir le Britannique (la laque, le thé et le tabac blond).</p>
<p>Mais tout de même, tout de même quelle vie ! Je n'ai (naturellement) personne à qui parler, pas de livres à lire et pas le temps de peindre — En somme redoutablement isolé — I say, Mr. the Interpreter — Will you... Pardon, la route pour ? Have a cigare, sir ? Train de ravitaillement, habitants, maire et billet de logement</p>
<p>— Un obus qui affirme et de la pluie, la pluie, la pluie — pluie — de la pluie — de la pluie — deux cents camions automobiles à la file, à la file — à la file.</p>
<p>En total, je suis repris du redoutable ennui (voir plus haut) des choses sans aucun intérêt. — Pour m'amuser — J'imagine — Les anglais sont en réalité des allemands, et suis au front avec eux... et pour eux — Je fume à coup sur un peu de « touffiane », cet officier « au service de Sa Majesté » va se transformer en androgyne ailé et danser la danse du vampire — en bavant du thé-au-lait — Et puis je vais me réveiller dans un lit connu et je vais aller décharger des bateaux...</p>
<p>Oh ! assez — assez ! et même trop — un complet noir, un pantalon à pli, des vernis corrects. Paris — étoffes rayées — pyjamas et livres non coupés — où vas-t-on ce soir ?... nostalgiques choses mortes avec l'Avant-guerre</p>
<p>— Et puis — quoi après ?? Nous allons rire, n'est-ce pas ? · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·</p>
<p>Oh ! assez ! assez, et même trop — Sydney, Melbourne — Vienne — New-York et retour — Hall d'Hôtel — paquebot verni, bulletin de bagage, Gérant d'Hôtel — Rastaquouères — et Retour.</p>
<p>Je m'ennuie, cher ami — vous voyez... mais je vous ennuie aussi et je m'arrête ici après réflection.</p>
<p>Rappelez-vous que j'ai (et je vous prie d'accepter cela) une bien bonne amitié pour vous — que je tuerai d'ailleurs — (sans scrupules peut-être) — après vous avoir dûment dévalisé de probabilités incertaines...</p>
<p>Je vous demande maintenant sérieusement de m'écrire...</p>
<p>Je salue le peuple polonais selon les rites et je vous donne le souvenir le meilleur de J. T. H.</p>
<p>P. S. — Je relis ma lettre, et la trouve — en somme — incohérente — et bien mal écrite — Je m'en excuse poliment. Dont acte.</p>